DE-CI, DE-LA…

A Annie Soret

Totalement femme, artiste et compagne.

Avec mon admiration et ma reconnaissance.

 

Lilia

J’ai absolument besoin d’écrire ce que je vis ! Grâce à cela, le problème de prolonger mon existence ne se pose pas pour moi. Plus besoin de régime, de sport et autres fariboles, je vis plus longtemps que les autres parce que je double la durée de chaque instant de ma journée. Oui ! Je vis deux fois au lieu d’une. La première, au moment de mes actions quotidiennes. La deuxième, quand, n’ayons pas peur des mots, je ressuscite, comme Jésus, mais plus simplement, en écrivant ce qui m’est arrivé. Avec ce petit truc, je suis déjà plus que centenaire et bientôt je ne serai plus envieux de la performance biologique de cette vieille baderne de Mathusalem. Etonnant, non ?

Écrire, ça n’a l’air de rien, pourtant ça donne un pouvoir féerique à celui qui pratique cette activité même quand il n’a pas le génie d’un grand écrivain. Transcrire la réalité avec des mots stables donne une consistance durable à l’éphémère. Ce que vous faites reste, alors qu’un vécu non transcrit s’en va, dilué  jusqu’à disparaître de la mémoire. Autre avantage : sur un vécu fortement charpenté s’empilent aisément les nouvelles constructions de l’avenir. Enfin, les principes qui régissent l’originalité de votre vie sont révélés par l’écriture. Ils s’exprimeront mieux dans ses nouveaux développements.

Pour ces raisons j’oscille entre ce que je vis et ce que j’écris. C’est dans cet esprit que  je vous raconte maintenant la curieuse histoire que je viens de vivre.

Cela s’est passé pendant mon dernier séjour en Tunisie. En cette fin de matinée de janvier, je visitais Sidi Bou Saïd. Il faisait beau. L’air, immobile, avait la consistance des atmosphères tièdes, palpables des pays africains. Le soleil, immense, jaillissait d’un ciel tout bleu, sans nuages. Au loin, par dessus les arbres de la colline, resplendissait le golfe de Tunis dont l’eau à cette heure-ci était immobile comme celle d’un lac. Là,  j’ai vécu un instant rare, en communion totale avec l’éternité. Je ne voyais plus un paysage, il était devenu sa représentation, comme magnifié dans un tableau, par le génie d’un peintre qui aurait immobilisé pour moi un fragment de nature dans sa perfection. Je n’avais jamais perçu de façon si sensible la nature. Elle me touchait comme jamais avant par sa limpide et permanente tranquillité.

C’est dans le contexte de cette sublime réalité que je croise tout à coup dans la rue, comme sortant d’un rêve enchanteur, une de ces femmes qui vous font penser qu’elles vivent dans un monde supérieur, qui n’a gardé que le meilleur du nôtre. Elle est à la fois personne et personnage. Cette dualité me trouble même lorsqu’elle fait le geste très prosaïque d’insérer une clef dans la serrure de la porte d’une grande maison blanche aux volets peints en bleu. Bien que je ne sois pas du genre à sauter comme un affamé sexuel sur toute femelle que je vois,  je suis fasciné par cette          ” femme à la clef “ que je viens de rencontrer. Je la perçois comme sortie d’un tableau de Magritte. Quel modèle pour un peintre ! J’ai l’immense désir d’en savoir plus sur elle. Plus fort qu’après avoir lu l’annonce attirante d’une femme sur Internet. Mais voilà, établir un contact sur la toile, c’est facile. On écrit tranquillement parce qu’on ne voit pas la personne à qui on s’adresse. Si elle ne répond pas, ce n’est pas grave ! On recommence avec une autre !  Mais ici ? Que faire ? Je n’ai pas le droit à l’erreur. Je dois trouver tout de suite un prétexte pour l’aborder avec succès bien que sa présence me trouble. Trouverai-je aujourd’hui les mots-passeports à l’effet de formule magique qui m’ont permis d’entrer si souvent  dans la caverne d’Ali Baba que certaines femmes d’exception portent en elles ? Réussirai-je à passer la frontière de l’apparence  de la belle qui est sur le point d’entrer chez elle ? Il est midi un quart. Je joue mon      ” va tout ” et  lui dis : 

– ” Excusez-moi de vous déranger. Je vois que vous habitez ici. Pouvez-vous m’indiquer un restaurant qui me permette de déjeuner en admirant le Golfe de Tunis. A mon avis, c’est un des plus beaux du monde, n’est-ce pas ? “.

J’ai dit ” un des plus beaux du monde “ pour lui laisser croire que je suis un grand voyageur. Avec l’espoir qu’elle prenne en compte cette particularité de ma personne pour me considérer de la façon la plus favorable.

Elle me répond :

– ” Ah, vous aussi vous êtes émerveillé par le golfe ? Comme je vous comprends !  Je suis si heureuse quand je m’installe sur ma terrasse pour y prendre mes repas, lire, rêvasser ou me reposer. C’est la raison pour laquelle j’ai loué cette maison “.

Moi, allusif :

– ” Quelle chance, et comme il doit être agréable d’en profiter ! “.

Elle, compatissante, a bien compris mon allusion :

– ” Voulez-vous découvrir la vue que l’on a de chez moi ? “

Vous imaginez les développements d’un dialogue qui commence ainsi entre un homme comme moi, provocateur de faits nouveaux, et l’incarnation d’un modèle de Magritte ! Comme si ça ne suffisait pas, pour accentuer le côté exceptionnel de la situation, j’apprends que dans la maison d’en face vit la famille Chérif, descendante du Prophète, dont plusieurs enfants sont des Imams respectés ici. A leur contact mon Magritte s’est convertie à l’Islam et porte depuis le prénom de Lilia..

Nous entrons chez elle. Après nous être installés sur sa terrasse, nous poursuivons notre discussion. Et là, j’apprends de mon hôtesse qu’elle a fait les beaux arts, les a enseignés tout en menant en parallèle une carrière de peintre. Elle me présente ses œuvres – oh l’impact de la révélation d’un monde nouveau dont j’ai tout de suite compris et apprécié la langue – et, ….. j’abrège, le sentiment qu’en visuels nous venons de construire une relation originale plus forte que celle créé par une complicité amicale, la complicité de l’esprit. Je n’ai donc pas été étonné qu’elle me dise au moment de la quitter que je serais toujours le bienvenu chez elle. Vous vous rendez compte ! Rencontrer en terre lointaine, dans un lieu mythique, Sidi Bou Saïd,  un proche ” parent ” que je ne connaissais pas ! Quelle magnifique et stupéfiante adoption ! 

Aurai-je l’occasion de revenir ici  ? Je l’espère. Mais l’important n’est pas là. Si l’occasion de revoir Lilia ne se représente pas, reste la certitude que je possède un passeport qui me donne un pouvoir rare : celui d’entrer  dans l’univers fascinant des personnes hors du commun que je désire connaître. Comme je m’amuse à le dire, je n’ai pas de diplômes, ce qui est sans importance, mais j’ai des connaissances, dont, parmi elles, ” la femme à la clef ” …. Quel merveilleux sésame pour basculer de la vie banale dans un conte des mille et unes nuits, n’est-ce pas ?

Voilà, c’était ma dernière aventure.  Je viens de la vivre une deuxième fois en l’écrivant. N’est-ce pas une base solide, apte à supporter, voire provoquer, la construction de nouveaux développements ?  A la vie maintenant de révéler ses plus improbables possibilités !

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L’intermittent

Il y a les intermittents du spectacle, qu’on rencontre rarement, et les intermittents des clubs de toutes sortes que leurs membres actifs croisent souvent sur leur chemin.

L‘autre jour, au moment où je remisais mon dériveur sur le parking de mon club de voile, un octogénaire à l’air gaillard malgré son âge, s’approche de moi. Je le connais, le fuis comme la peste parce que par expérience je sais que c’est un oisif qui vient ici pour tuer le temps avec une arme absolue : un assommoir verbal.  Toujours des paroles sans intérêt sur la situation locale, nationale, même mondiale, en particulier quand se produit un attentat, en Algérie, un tsunami en Asie, ou des inondations en France… son fonds de commerce ?

Je fais semblant d’être absorbé par les opération de désarmement de mon embarcation. Il est là. Je le sens. Il se rapproche de moi. Ma situation devient critique. Il m’aborde enfin pour me dire qu’il fait beau, ou une autre banalité de ce genre. Puis, sans transition, il m’annonce – oh ! la nouvelle d’intérêt mondial – qu’ il venait de se faire opérer de la prostate. Pour sûr qu’on va en parler au journal télévisé de ce soir ! Je compatis, si ça peut le soulager et le faire partir ! Mais non, il s’incruste.  il me donne des détails que je croyais connaître et que je m’apprêtais à entendre distraitement. Pas du tout. Pour une fois, ce qu’il raconte m’intéresse !  Jugez vous-même. Avant d’être opéré, il était bien embarrassé parce qu’une des séquelles de l’opération de la prostate est souvent la réduction du sexe à sa seule fonction urinaire ! Bref ( ! ) il y a risque de ne plus bander ! ( Tu parles, à 80 ans, c’est pas si fâcheux que ça ! Et pour un intermittent, un arrêt, c’est logique, non ? ). Constatant par la suite qu’effectivement, il était devenu impuissant, mon interlocuteur ne l’acceptait pas. Abonné permanent d’un club de rencontres, il y puise facilement depuis des années de quoi satisfaire des besoins sexuels importants que l’âge n’a pas atténués ! Ah, le salop ! Pour lui, pas de problème de pénétrer dans un harem, mais celui de pénétrer dans les pensionnaires soumises à ses désirs comme les bayadères qui attendent d’être choisies par leur sultan.. Son médecin lui propose des implants. Il les refuse. Autre solution :  se piquer la verge. Il le fait. Ca fonctionne. Mais quand même, c’est pas idéal de commencer une nuit d’amour avec le  remake d’une séquences de ” Urgences à l’hôpital “. Enfin, il lui est proposé la solution qu’il adopte et qui fonctionne parfaitement. Elle est tellement comique que je vous demande votre avis pour savoir si je n’ai pas été victime d’un joyeux farceur. Je lui laisse  la parole.

– Ils m’ont mis de part et d’autre de la verge deux petits ballons de forme allongée, et alors, quand je veux bander, je les gonfle !

– Vous les gonflez ? Mais comment ? Vous êtes équipé d’une petite valve  raccordée à une pompe quand il le faut ? Ou vous devez aller à la station service du coin ?

– Pas du tout ! Pour provoquer une érection, je presse sur mon testicule droit.

– ? !!!!!!!

– Oui, ils l’ont vidé, et ils m’ont mis une poire à la place. Chaque fois que je la comprime, je remplis d’air mes ballonnets et je bande ! Ne me demandez pas sous quelle pression normalisée. Je me contente de profiter du résultat. Comme si de rien n’était, je retrouve alors ma belle, qui m’attend au lit.

Trop, c’est trop ! Je ne peux y croire ! Ai-je eu affaire à un joyeux farceur  ou  m’a-t-il dit la vérité ?

Et pire que tout, si ce que je crois est faux, si je prends la vessie d’un inconnu pour une lanterne et son testicule droit pour un compresseur, ne serais-je pas pire qu’un grand idiot, ….. une poire absolue ?

Inutile de préciser que l’autre jour, après ces révélations, j’ai abrégé l’entretien sans demander à l’intermittent s’il avait été garde barrière dans son jeune âge, au temps où il relevait sans problème l’objet de son travail, et le reste……

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Les facteurs d’Internet

Il y a les fils de Dieu…

….. Avez-vous constaté  qu’Internet favorise la vocation de béni oui oui qui retransmettent à leur entourage des messages qui élèvent l’âme ? D’abord, est-ce que chacun de nous n’a pas mieux à faire que de jouer au facteur, ou de se substituer à un curé ou à un moine Tibétain très en vogue aujourd’hui, pour prêcher la bonne parole ? Et ensuite, n’est-il pas plus intéressant d’adresser un message personnel au lieu de faire suivre les pensées des autres ? Depuis que je suis sur Internet je n’ai jamais tant reçu d’extraits de Bible, de Tantras. Et jamais la lecture d’un texte sacré ne m’a autant assommé ! Ne parlons pas du contenu qui est presque toujours du niveau de l’école maternelle. Si encore on pouvait le lire vite ! Mais non, le rédacteur emploie le truc suivant  pour qu’on s’attarde sur son message :  Il ne présente pas une phrase afin qu’elle soit lue d’un coup d’œil ! Il fait apparaître chaque lettre d’un mot…. l’une…. après…. l’autre, …. lentement. Vous voyez d’ici le temps nécessaire à la ” fabrication ” de n’importe quel terme de notre langue ! Que dire lorsque plusieurs mots sont associés ! Je suis d’accord pour considérer que ce système convient parfaitement aux attardés mentaux auxquels il faut donner le temps de réaliser quel est le mot qu’ils lisent. Mais nous…grâce à l’excellence de notre système éducatif ….enfin…. paraît-il ! ! ! !

Après avoir lu un texte sacré, vous n’êtes pas au bout de vos peines. Vous recevez en super bonus une déclaration puérile d’amour de l’émetteur dans ce genre là :

” Je t’ai adressé ce message pour te montrer que je t’aime et que je pense à te le dire “. ( oh,  Ducon,  heureusement que ma femme ne m’a pas parlé aussi lentement de son amour. Je ne l’aurais épousée qu’à l’âge  de la retraite ).

Si ces messages assommants n’étaient que débiles, ce serait demi mal. Le pire arrive quand l’émetteur vous exhorte à faire suivre son ânerie au plus grand nombre possible de personnes ( comme si je n’avais que ça à foutre, Ducon ! ) Il y aurait de quoi être ému par tant de crétinisante mansuétude si, tout à coup, Torquemada ne nous sortait de notre tor-peur avec le final de presque tous ces envois :

”  Si tu ne fais pas suivre immédiatement, voilà les malheurs qui vont t’arriver … “.

Allons bon, retour brutal au moyen âge. C’est gai l’échéance imminente du bûcher ! Une majorité d’internautes gobe ça, avec la conscience satisfaite de qui vient d’ingérer une hostie pendant la communion. On dirait vraiment que les hommes regrettent ce temps béni où ils allaient écouter à la messe les sermons moralisateurs d’un prêtre dont la fonction séculaire a toujours été de parler sans être entendu par des ouailles qui continuent à   ” turpiter ” la conscience tranquille ! Il y a peut-être une autre explication. Ces exhortations à l’amour universel seraient le fait de pêcheurs fautifs qui apaisent leur mauvaise conscience ( quand ils ne respectent pas leurs bonnes résolutions ) en prêchant de belles paroles !

A l’opposé de ces fils de Dieu qui ne font de mal à personne si ce n’est à notre patience quand on commet l’erreur de les lire, il y a…..

…. les fils de Satan !

Ceux-là vous adressent les pires horreurs imaginables. Particulièrement exploitées, les femmes en surpoids phénoménal,  d’un âge canonique, qui présentent à l’admiration des détraqués une vue de leur sexe caricaturé par la graisse, les ans, et même, en super bonus, par l’intervention d’une tierce personne dotée d’un membre gigantesque justifiant les qualificatifs de ” Poutre de Bamako “, ” Obélisque de Tombouctou “, ” Sémaphore de Trégastel ” et autres du même acabit !

A noter que si les diseurs de bondieuseries souhaitent qu’on les aime pour ce qu’il ne sont pas, je suis tenté de penser que les fils de Satan n’aiment sûrement pas leur physique, ce dont ils se consoleraient en le comparant à plus abominable que le leur ( ” Peu fier de moi quand je me considère, mais très satisfait quand je me compare ” – Talleyrand ).

L’envoi de ce texte aux messagers de Satan ou de Dieu qui m’expédient leurs insanités ou leurs messages d’une affligeante puérilité a un effet radical : ils cessent illico toute relation avec moi, pour le plus grand profit de mon mieux-être. Se sentiraient-ils vexés ?

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Les sables émouvants

L‘histoire que je vous propose de lire maintenant se passe dans le milieu des Conseils et Formateurs. Ce sont des gens hors du commun. Leur champ d’action est l’activité économique. Leur principale fonction est de remédier aux carences des entreprises. Quand elles déposent leur bilan, ils réduisent  ses effets calamiteux en assistant psychologiquement les licenciés et en reclassant une partie d’entre eux. Quand ça a l’air d’aller, ils perfectionnent le fonctionnement de ce qui existe car la concurrence est rude et il faut toujours être le meilleur. Alors qu’un professeur transmet un savoir qui sera appliqué par ses élèves, le Conseil et Formateur se sert de son expérience pour trouver la solution d’un problème particulier. C’est plus difficile que d’enseigner ! Voilà pourquoi j’admire ces personnalités hors du commun.

La vie de Carl et de Lise ressort du ” conte de faits “. Ils enchaînent les événements les plus extraordinaires comme une suite de moments ordinaires.

Après des études de journalisme dans l’Allemagne d’après guerre sinistrée par les bombardements que l’on sait, Carl s’engage pour 5 ans dans la Légion Etrangère. Il a besoin de changer d’air ! Il maîtrise vite le Français et poursuit ses études entre deux opérations militaires. Faut le faire ! Il l’a fait ! De retour à la vie civile, il devient rapidement le directeur administratif de l’entreprise qui l’emploie. Le jour où elle recrute du personnel, il voit passer devant la fenêtre de son bureau les candidates à l’entretien d’embauche. Il remarque parmi elles Lise. Il demande tout de suite qui elle est au collaborateur chargé du recrutement.

” Elle a postulé pour un emploi de secrétaire… “.

Carl lui dit alors de ne pas l’engager mais qu’elle aille le voir. Depuis, ils ne se sont plus quittés. Dire que d’autres passent des mois sur Internet avant de trouver l’âme sœur et qu’ensuite, une fois sur deux, ça se termine par un divorce ! Avec Carl, le choix s’est fait en quelques secondes et il dure toute la vie !

Notre légionnaire d’élite  engage  Lise. Mais pas dans le cadre de la société où il travaillait….Il avait observé son entreprise et celles installées autour de lui et constaté qu’elles fonctionnaient avec de fâcheuses carences. Il ne sort pas d’HEC ! Qu’importe ! Ni une ni deux, il monte son affaire dont la mission est le Conseil d’Entreprise et la Formation de son personnel. Là, c’est incroyable. Il démarre par un coup de maître : un séminaire de créativité pour les ingénieurs du centre de recherche d’une société mondialement connue pour ses innovations. Ses chercheurs sont des intelligences brillantes dont la spécialité est d’inventer !

Ici, une halte s’impose. Comment ne pas être impressionné par le parcours de mon ami ? Journaliste, légionnaire pendant cinq ans, Directeur Administratif et maintenant, il apprend à des super créatifs comment l’être davantage ….Précisons que la culture de Carl est phénoménale. Il est plus facile de préciser ce qu’il ne sait pas que ce qu’il connaît ! Il me donne quelques raisons d’être baba, non ?

Quant à Lise, notre ex directeur administratif aurait pu se contenter de l’utiliser comme secrétaire. Il pense qu’elle vaut plus que cela.  Un jour, un de ses clients lui demande d’animer une formation qui recycle en dactylos les soudeuses d’un atelier d’électronique. Carl demande à Lise d’inventer une nouvelle méthode de formation à la dactylographie …. ce qu’elle réussit à la satisfaction générale.

Un peu plus tard, elle l’accompagne dans un hôpital où il dispense une formation à l’hygiène. Déjà, comment fait notre diable d’homme pour avoir des connaissances sur tout, même l’hygiène,  et les utilise-t-il pour améliorer le rendement des autres ?

Avant l’arrivée des stagiaires, sa compagne et lui préparent la salle : supports visuels au mur, paper-board au milieu de la pièce, distribution des dossiers personnels sur chaque table. Il trouve qu’elles sont mal disposées. Il souhaite déplacer certaines d’entre elles Et là, clac, il se déplace aussi une vertèbre. La douleur est insoutenable. Il ne peut plus se tenir debout. Fort heureusement, ce ne sont pas les soins qui manquent dans un hôpital, ni les lits.  Lise accompagne mon ami dans sa chambre. Elle s’attend à ce qu’il annonce que la formation est annulée. Elle ne connaît pas notre bonhomme. Il lui demande tout naturellement de prendre sa place ! Elle l’a vu faire ! Qu’elle fasse comme lui ! Lise accepte.  Par la suite, mon amie dira que dans la matinée, elle voyait chaque heure Carl pour prendre des consignes. L’après-midi, elle ne l’a fait qu’une fois. Et le lendemain, elle a assuré toute seule la fin de la formation. Et c’est ainsi que notre petite secrétaire est entrée dans la carrière de Conseil et Formatrice. Depuis, ses exploits n’ont rien à envier à ceux de son mari.

Le dada de Lise est actuellement AWA Encore un système américain   de vulgarisation psychologique qui classe les hommes selon leur comportement. AWA considère quatre types d’individus. Les  ” promouvants ” qui sont actifs et chaleureux, les ” coopérants ” qui sont attentifs et accueillants, les  ” maîtrisants ” qui sont assurés, déterminés, et les ” analysants ” qui sont froids et méthodiques. Lise apprend à découvrir la catégorie à laquelle appartient un interlocuteur et comment lui parler pour qu’il accueille favorablement votre message. On comprend que cette méthode facilite le succès de toute négociation.

Mes amis Conseils et Formateurs consacrent beaucoup de temps à la lecture et à leur formation permanente ! Cette soif de savoir est magnifique. La conversation, avec eux, prend vite de l’altitude. Ils vous informent sur les livres qu’il faut lire absolument, les nouvelles méthodes de connaissance de l’autre, les spectacles qu’il ne faut pas rater … bref, chaque fois que je vois mes amis, ils me donnent des informations précieuses sur les sujets les plus divers, parfois même cocasses.

Oui, cocasses.  Savez-vous ce que fait Lise le soir, quand elle va voir sa mère qui lui laisse ses soirée libres parce qu’elle se couche tôt ? Au lieu de regarder la télé, elle installe  devant une église      ( c’est déjà romanesque, non ? ) une table pliante. De part et d’autre de ce modeste meuble, elle place deux chaises pliables. Elle pose sur la table un jeu de tarots et une pancarte où le passant lit :

VOTRE AVENIR POUR 10  EUROS  !

Dix euros ! Inutile de préciser qu’elle ne pratique pas son activité divinatoire pour arrondir ses fins de mois ! La prédiction de l’avenir lui permet de satisfaire de plus nobles ambitions. Découvrir des aspects intéressantes de la nature humaine, aider les personnes fragiles à s’assumer, à mieux réagir aux agressions de la vie, à réaliser un projet….

Il y aurait pléthore de clients qui solliciteraient ses prédictions. Aussi extraordinaire, bien que ce ne soit pas le but recherché, dix jours de  ” consultations ” dans la rue lui rapportent mille cinq cents euros en moyenne, soit l’équivalent d’un ” salaire ” mensuel de trois mille euros. Et il y a des personnes qui prétendent être raisonnables en affirmant que ce cher vieux Père Noël  n’existe   pas ! Le comble, c’est que les prédictions obtenues grâce à un vieux jeu de tarots se réaliseraient effectivement…..selon elle. C’est une voyante. Il ne faut surtout pas la plaisanter à ce sujet !

Les nouvelles que je reçois de Lise sont toujours réjouissantes. C’est dire si je suis heureux quand elle m’en donne. Et ce matin, en recevant un de ses courriers, je m’apprêtais à me régaler. C’était un message qu’elle retransmettait à un groupe d’amis, dont moi,  au nom de la semaine de l’amitié.

Hum ! L’amitié …. ! Par expérience, consignée dans Les facteurs d’Internet que vous avez lu au chapitre précédent, j’ai constaté que  le discours inspiré par l’amour de son prochain s’exprime presque toujours dans un langage catho-islamo-bouddho-indiano-tao-confuciussien qui considère le destinataire du message béni ouis-ouiste expédié  comme un Ben niais ! Avec Lise, quand même, pas de risque ! Sans lui payer 10 euros, je prévois que mon imminent avenir avec elle sera jubilatoire ! J’ai donc commencé à lire avec une bienveillante curiosité l’envoi de mon amie. C’est un document si important pour la pensée universelle que je vous donne le temps de bien vous installer avant de vous le présenter.

 Conte philosophique
Les deux amis

Deux amis sont perdus dans un désert aride sous un soleil brûlant. Il ne reste plus que quelques gouttes d’eau dans leur gourde. Au bout d’un moment, ils en viennent à se disputer ce qui leur reste à boire. L’un des deux donne une gifle à l’autre. Ce dernier, endolori mais sans rien dire, écrit sur le sable :

” Aujourd’hui, mon ami m’a frappé “.

Etonné, l’autre ne réagit pas. Tous deux continuent leur chemin. Le lendemain ils atteignent une oasis. Là, ils se baignent dans un point d’eau. Celui qui avait écrit sur le sable perd connaissance. Il est en train de se noyer. Son ami plonge aussitôt et le ramène sur la terre ferme. Après avoir repris son souffle, le rescapé grave ces mots sur une pierre :

” Aujourd’hui mon ami m’a sauvé la vie “.

Celui qui avait donné la gifle et avait sauvé son ami lui demande :
– ” Quand je t’ai blessé, tu as écrit sur le sable et maintenant tu écris sur la pierre. Pourquoi ? “.

–  Parce que lorsque quelqu’un nous blesse, nous devons l’écrire sur le sable. Mais quand il fait quelque chose de bien pour nous, nous devons le graver sur la pierre où aucun vent ne peut l’effacer. Apprends à écrire tes blessures dans le sable et à graver tes joies dans la pierre “.

C’est la semaine de l’amitié. Envoie cette  histoire aux gens que tu n’oublieras jamais et retourne-la  à la personne qui te l’a envoyée. Si tu ne réexpédies pas cette histoire, cela signifiera que tu as oublié tes amis.  ( fin de citation )

Ouille ! Aïe ! Au secours ! La lecture de ce monument de la pensée ” catho-islamo-bouddho-indiano-tao-confucionienne   ” m’a fait perdre tous mes repères ! Mon esprit a sombré d’un coup dans un abîme d’incompréhension. Pourquoi Lise m’a-t-elle transmis une telle ineptie ?

Fort heureusement, j’ai une curieuse mais salutaire façon de réagir aux situations que je ne comprends pas. J’oppose à la déraison, pire qu’elle : les ressources de la loufoquerie ! Qu’est-ce qui est aussi idiot que l’épisode que je venais de lire ? La leçon de Sheeta qui  apprend, selon Gotlib, à ce benêt de Tarzan, à pousser le cri de la jungle !  Quand, après plusieurs essais infructueux de son lamentable rejeton, elle dit, contenant mal son exaspération :

–  ” Well, my dear son, let’s us keep our sang froid !

C’est précisément l’attitude que je devais adopter dans l’espoir  de supporter la vision de Lise agissant comme elle n’est pas. Toujours perplexe, je poursuis ma cure hilarante par des remarques sarcastiques sur les mentions cuculs d’un texte qui avaient provoqué en moi un ahurissement répétitif : la noyade dans l’eau d’une oasis dont la profondeur excède rarement les vingt centimètres…, la brusque décision de l’homme qui écrit sur le sable ce qu’il peut dire plus facilement par la parole ( Peut-être avait-il une raison inavouable de s’essuyer le doigt ? )… Quant à graver quelques mots sur de la pierre, en plein désert, où a-t-on trouvé la pierre, le burin, le marteau ? Cela fait un peu trop d’énormités à avaler d’un coup pour un salopard. de mon espèce avant qu’il ne se noie, lui aussi,  dans l’océan de telle inepties !

Très vite, des pensées plus graves ont pris la place de ce jeu délassant. J’étais préoccupé par l’état mental de Lise. Etait-elle devenue folle d’amour universel, comme les hyppies ! Je l’ai vue vêtue d’une aube blanche. Elle distribuait des roses aux voyageurs du métro. Elle répétait inlassablement ” Love ” ! La voir réduite à cette image m’a rendu fou furieux.

J’ai alors basculé dans l’idiotie.  Première bêtise : Le message que j’avais reçu était adressé à plusieurs personnes. J’ai choisi de répondre à tous …. Ainsi, tout le monde a été au courant de ce qui ne concernait que Lise et moi. Ce que je disais n’était pas méchant. En le portant sur la place publique, je la vexais. ” Comment “, lui disais-je, ” une personne de ton intelligence accepte-t-elle de transmettre un texte indigent indigne de toi ” ? De là, de tous côtés, on assiste à la débâche du génie européen. Lise se froisse ! Normal ! L’émetteur du message retransmis par mon amie lit ma réaction. Il se vexe aussi. Normal ! Lise l’approuve. Alors, là, je ne suis pas d’accord ! J’enrage qu’elle choisisse le camp d’un Ben niais mais pas le mien ! Et là, je commets la plus stupide des erreurs. J’adresse à tous un texte que j’utilise quand au nom des bons sentiments je reçois des messages du niveau de l’école maternelle pour attardés mentaux : Les facteurs d’Internet que vous avez lu précédemment.

Après coup, je pense que cet envoi ne peut qu’envenimer les choses. Je m’excuse. Là, je commets une autre erreur. Je plaisante sur la cause de mon imbécillité
” Mets mon erreur sur le compte d’une séquelle de ma dernière opération, celle pendant laquelle ils m’ont débouché la carotide gauche. Disons qu’alors, mon cerveau n’a pas été irrigué  le temps qu’il faut pour que des cellules fondamentales soient lésées à  jamais ! “.

Depuis, Lise ne me parle plus ! Au début, je me disais que le temps dissiperait la brouille, que les tarots lui prédiraient une imminente réconciliation avec moi. Plusieurs mois sont passés. Lise reste aussi silencieuse. Et moi, je suis malade à la pensée de ne pas la revoir et d’entendre son rire si joyeux. Sa voix me manque autant que sa présence. En homme de ressources ( ah, mais ! on va voir ce qu’on va voir ! ) j’ai alors utilisé la télépathie pour communiquer avec elle.

Très chère Lise, maintenant  que je suis calmé, je t’adresse un message plein d’un immense repentir. Bien que nous ne nous parlions plus, je sens que tu penses à moi comme je pense à toi. Je te demande très sincèrement pardon. Sois gentille ! Agis conformément à tes recommandations. Ecris vite sur le sable de l’oubli que je t’ai blessée. Tu entends ma ” pensée ” ? Elle va vers toi poussée par le vent du désert.  L’entends-tu qui souffle de plus en plus fort ? Vois comme la bourrasque vient juste d’effacer ce que tu as inscrit sur le sable.  Comme moi, maintenant, prends un burin et un marteau. Gravons sur du marbre de carrare que notre amitié revit comme avant ! Tu constates que nous faisons la même chose, hein ? Autant dire que nous communions déjà dans la réconciliation. J’attends avec impatience ta confirmation au sujet de cet événement.

Curieusement, ou est-ce le fait de Carl, homme sage qui œuvrait depuis le début afin de me réconcilier avec sa femme, je n’ai pas eu à attendre longtemps. Lise vient de m’adresser un nouveau conte philosophique avec cette simple annonce :

” Et celui-là,  il te plaît “ ?

Le voici. Lisez-le. Vous comprendrez pourquoi rien ne pouvait me rendre plus heureux.

HISTOIRE DU SEAU ET DU CAFÉ
 
Il était une fois un professeur de philosophie qui, devant sa classe, prit un seau du genre de ceux utilisés par les enfants qui jouent sur la plage. Etonnement des élèves ! Sans dire un mot, il commença à remplir le seau avec des balles de golf.
Ensuite, il demanda à ses élèves si le seau était plein. Les étudiants étaient d’accord pour dire que OUI.
Puis le professeur ajouta des billes qui comblèrent les espaces vides entre les balles de golf. Le prof redemanda aux étudiants si le réceptacle de l’expérience était plein.  Ils dirent à nouveau OUI.
Après, le professeur y ajouta une poignée de sable et la versa. Bien sûr, le sable remplit tous les espaces vides et le prof demanda à nouveau si le seau était plein.  Les étudiants répondirent unanimement OUI.
Tout de suite après le prof versa deux tasses de café sur le sable. Effectivement, le café s’infiltra dans les espaces vides entre les grains de sable, les billes et les balles de golf.
Les étudiants se sont alors mis à rire.
Quand ils eurent fini, le prof dit :

” Je veux que vous réalisiez que ce seau représente la vie. Les balles de golf sont les choses importantes comme la famille, les enfants, la santé, tout ce qui passionne. Nos vies seraient quand même pleines si on perdait tout  sauf elles.
Les billes sont les autres choses qui comptent comme le travail, la maison, la voiture, etc…

Le sable représente tout le reste, les petites choses de la vie. Si on avait versé le sable en premier, il n’y aurait pas eu assez de place pour placer toutes les billes et toutes les balles de golf. C’est la même chose dans la vie. Si on dépense toute notre énergie et tout notre temps pour les petites choses, nous n’aurons jamais de place pour celles qui sont vraiment importantes. Faites attention à ce qui est primordial pour votre bonheur : jouer avec vos enfants, prendre le temps d’aller chez le médecin, dîner avec votre conjoint, faire du sport ou pratiquer vos loisirs favoris. Il demeurera toujours du temps pour faire le ménage, réparer le robinet de la cuisine…

Occupez-vous en priorité des choses les plus importantes, d’abord les balles de golf. Le reste n’est que du sable “.

Un des étudiants leva alors la main et demanda ce que représentait le café.
Le professeur sourit et dit :

” C’est bien que tu le demandes. C’était juste pour vous démontrer que même si vos vies peuvent paraître bien remplies, il y aura toujours de la place pour une tasse de café avec un ami ”

( fin de citation )

Quelle magistrale façon de mettre fin à une brouille, n’est-ce pas ? Inutile de dire qu’après cet envoi, j’ai retrouvé Lise comme avant. Nous n’avons plus reparlé du sujet de notre discorde. Nos  ” sables émouvants “ ont été emportés par le vent de l’oubli.

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Les Barlouch

Quand je vais à Paris, j’ai la chance d’être hébergé chez un de mes neveux, David BARLOUCH. Avec lui et sa femme, Bethsabée, c’est pas compliqué : Pas besoin d’aller  au ” Grattémoila ” pour être dépaysé. Leur appartement ressemble à tout sauf à un logement où chaque pièce a une fonction bien distincte des autres. Partout règne une ambiance de foirefouille occidentale ou de bazar oriental. Dans chaque chambre s’entassent pêle-mêle les composants d’une librairie, d’une galerie de peinture, d’une boutique de cadeaux et, surtout, d’une friperie en période de grande braderie, en particulier dans la salle de bains où la quantité de linge visible dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Pas moins de 6 peignoirs sur le même cintre ( en période creuse, quand ils occupent les lieux sans leurs deux enfants ). Dans le même verre, pas moins de cinq  brosses à dents. Des verres pleins de brosses il y en a au moins deux, sans parler de ceux peut-être enfouis sous un amas de vêtements. Les flacons de parfum s’entassent par dizaine dans des paniers en rotin. Quant aux crèmes pour la peau, elles s’accumulent sur une étagère laissant penser ( évidemment à tort ) que mes amis soignent en permanence un érésipèle dévastateur. Bref, pas besoin d’aller dans les Alpes pour constater chez les BARLOUCH les effets d’une avalanche. C’est chez eux que la sécurité alpine devrait entraîner ses vaillantes équipes de secouristes ! Dans le contexte de cette calamité montagnarde, quand j’entends ici du Beethoven, je trouve que ça détonne. Des chants tyroliens seraient plus appropriés à l’effet submergeant des lieux. A la rigueur, de la musique arabe, accordée à l’esprit bazar de leur appartement.  Il y a de quoi être effaré par la profusion de tout qui règne ici. On est à la limite du malaise produit par ces femmes qui auraient pu être belles comme des vénus de Milo si leur surpoids ne les métamorphosait pas en vénus de Tautavel. Et là, je me pose une question fondamentale. Comment des gens très intelligents, d’une grande culture, raffinés, peuvent-ils vivre dans un bordel pareil ? Comment leur esprit réussit-il à ne pas être incommodé par le foutoir où ils vivent ? Mystère de l’homme ! Parce que des gens comme eux, il y en a beaucoup, du plus commun au plus intelligent. Il faut même du génie pour être un  ” accumulateur ” de ce niveau ! Alors, je n’essaie plus de comprendre. Je me contente de savourer les moments délicieux que je passe en la compagnie de ces personnes charmantes, extravagantes, brillantes.

Le lendemain de mon arrivée était un dimanche. Dans la pièce qui sert non seulement de salle à manger mais aussi de boutique avec ses objets décoratifs divers ( surtout des chevaux ), de galerie de peinture et même de librairie, avec des livres sur les sujets les plus importants de la pensée, la littérature et l’art, tous lus.  Au milieu de cette pièce, il y avait une table multifonctions qui servait en ce début de matinée de bureau à David. Il examinait fébrilement plusieurs journaux dont il annotait certains articles. A côté de lui, Bethsabée. Devant eux, la télévision. Son écran présentait une émission religieuse. J’écoutais d’une oreille discrète ce que disait un Rabbin. Pendant qu’il parlait, devinez ce que faisait David ? Il compulsait  Paris Turf  ! Pour faire ses paris. C’est un passionné de courses, un très perspicace parieur ! Je lui dis pour plaisanter que Dieu ne doit pas apprécier qu’il fasse des pronostics sur des chevaux quand on parle de Lui et que, s’Il existe vraiment, Il doit s’arranger pour qu’un choix fait dans ces conditions ne soit pas le bon ! David me répond qu’il est comme Napoléon : il peut faire sérieusement deux choses importantes à la fois, suivre le discours religieux du rabbin et jouer aux courses ! La preuve ? Il est bien considéré à la synagogue ( peut-être à cause des dons qu’il fait dans l’esprit d’un pari avec le Très Haut….en retour d’une faveur divine s’il gagne ). De même, il a la réputation, dans les milieux hippiques d’être le plus perspicace des parieurs professionnels de France. Ce qui lui a valu, il y a une quinzaine d’années, de gagner le prix du meilleur pronostiqueur, avec comme lot, un rétro projecteur d’une grande valeur à l’époque. Seulement voilà, avec le temps, l’image produite par l’appareil a été de moins en moins nette. Lors de ma dernière visite, elle était si floue qu’on la croyait filmée dans un hammam, à Londres, un jour de brouillard à couper au couteau. Alors, mon neveu s’est mis à perdre  ses paris. Pas pour longtemps. Fort heureusement, le rétro projecteur a cessé d’émettre récemment ces ombres qu’analysait David avant de miser. Il a été remplacé par le grand écran plasma d’un téléviseur moderne. Curieusement, les mises de notre parieur d’élite lui rapportent beaucoup plus depuis qu’il voit nettement les chevaux dont il doit estimer les aptitudes ….

Le soir, dîner avec deux invités : la sœur de David et son mari, Sandro. Là, le choc. Annie est très belle. C’est le portrait de sa mère, hélas décédée il y a quelques années ( mais à plus de quatre vingt ans, quand même ). Un plaisir rare la surprise de cette résurrection pour moi d’une femme remarquable.

Nous parlons musique. Je lui dis que je suis amoureux du son d’un  piano Steinway et combien j’aimerais avoir parmi mes amis une ou un pianiste. Qu’à cela ne tienne, me dit-elle, ma cousine Brigitte est une bonne pianiste. Je lui téléphone pour te la présenter. Elle s’empare illico de son portable. ” Allo ?       Brigitte  “… Suit un rendez-vous pris pour dîner le dimanche suivant chez cette personne, concertiste, j’espère !

Une semaine passe. En ce début d’après-midi du jour convenu pour notre soirée musicale, David est parti. Où voulez-vous qu’il soit allé ? A Saint-Cloud ! Pour parier ! Bethsabée et moi choisissons d’aller au musée Rodin. C’est lorsqu’elle quitte sa tenue de tous les jours, genre ” sport décontracté “, pour une tenue plus recherchée que se produit un événement visuel très important pour moi. Avec sa veste folklorique aux multiples broderies et son chapeau en forme de galette comme en portent les Talibans, ma nièce devient subitement un magnifique Klimt. Elle n’a plus seulement l’apparence de sa beauté intrinsèque, mais aussi celle du modèle d’un tableau art déco du célèbre peintre Viennois. Vraiment, un Klimt ! Ce n’est pas la première fois qu’une femme me donne le double plaisir de l’apprécier pour ce qu’elle est, tout autant que pour le personnage d’un tableau ou d’une sculpture qu’elle évoque. Gémellité sublime de l’être quand il devient plus que lui-même ! J’ai eu ainsi la chance de rencontrer la ” réincarnation ” de la Ballerine de Degas, à Narbonne. Une autre fois, c’était un Balthus, à Cagliari, en Sardaigne. Il y a eu aussi un Mayol, à Bordeaux., un Renoir, à Toulouse ….

Associer une femme à une œuvre offre un autre avantage. Le nom de la ville où elle habite exprime plus que le nom d’un lieu ! Narbonne tout seul,  ce n’est qu’un repère géographique,  alors que associé à Degas par le fait de Catherine, quelle émotion ! Nanterre, Perpignan, Narbonne, Sarlat ….., ah, ces villes qui sont plus qu’une marque sur une carte, parce qu’elles évoquent une femme et mon histoire avec elle ! La voilà ma ” carte du tendre “, piquée des délicieux jalons d’une vie d’errance sentimentale à la recherche d’un ancrage chez une compagne.

Quant à l’exposition, encore un sujet d’émerveillement dans cette journée riche en évènements ! En complément du fond permanent du musée, des œuvres de Rodin étaient exposées à côté de celles de Matisse afin de faciliter la découverte de points de convergence ou d’opposition entre les deux. Le premier, satisfait d’une perfection assez vite obtenue, s’y maintient, et le second, bien dans son 20ème siècle de recherches, ouvre de façon fulgurante de nouveaux horizons. Il progresse de plus en plus vers l’essentiel jusqu’à la simplicité extrême des décors muraux de sa  chapelle…. Ah, Matisse !

Le soir, comme convenu, nous voilà chez Brigitte. Là, nouvel émerveillement produit par cinq femmes : notre hôtesse, ses amies Martine et Sabine, Annie et notre Klimt, toutes belles, intelligentes et d’une grande culture. Seulement voilà, lorsqu’il faut se mettre au piano ( puisque c’est le prétexte de la rencontre ), Brigitte et Sabine font des chichis. Nous convenons de nous revoir dans quelques semaines, pour laisser à ces perfectionnistes le temps de préparer leur récital ! Elles me demandent de leur faire entendre quelques notes. Avec mon culot habituel, je joue comme un pied parce que je n’ai pas touché un clavier depuis plusieurs mois. Je sauve cette navrante prestation musicale par des commentaires relatifs à la façon dont j’aurais pu jouer. Un peu comme ces films muets où les images silencieuses d’acteurs qui se parlent sans qu’on les entende sont complétées par le texte de ce qu’ils ont dit.…….

Après ce foireux épisode musical imposé par des femmes qui espéraient, peut-être, que l’élève du secrétaire musical de Prokofiev que j’ai été produise chez l’une d’elles un miracle musical, notre conversation est animée, joyeuse. L’essentiel est de s’amuser !  Les pensées profondes, la discussion politique qui change tout sauf l’avis de chacun, les subtilités de l’harmonie mozartienne développées par des amateurs qui oublient qu’en se dégradant avec l’âge, leur oreille déforme de plus en plus les sons qu’elle entend “1“, tout ça et autres culs de sac de la pensée mondaine, ce sera pour une autre fois ! Nous rions beaucoup. Nous ne voyons pas les heures s’écouler. Nous nous séparons très tard, heureux d’avoir passé une bonne soirée !

Je constate que Martine et Sabine regagnent seules leur auto. Elles rentreront chez elles sans compagnie. Je suis ému. Je les vois s’éloigner en emportant le mystère de l’image de femmes très désirables, et pourtant incomplètes puisqu’elles sont seules…..Ah la magie du couple ! Si nécessaire, pas toujours réalisée …..

1” : ce qui expliquerait que certains musiciens préfèrent entendre les  sonates de Beethoven jouées sur un Pianoforte au lieu d’un Steinway alors que le premier est au second ce que le pot de chambre est au tambour ou le sifflet à la flûte !

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Le Père à fifils

Vous connaissez tous des ” fils à papa “. Mais connaissez vous un Père à fifils ? Non ? Et bien, ne cherchez pas loin. Je vous en présente un, … moi, et vous raconte comment je le suis devenu, de la façon la plus incroyable que l’on puisse imaginer. Attachez vos ceintures. Cela va débouler sec dans vos circuits mentaux…..

Vous le savez, dans notre société, les parents sont en paix avec leur conscience de bourgeois pleins de suffisance quand ils abreuvent de bienfaits divers leurs enfants, jusqu’au point de faire de leur chère progéniture des fils et des filles à papa.

 Vous me connaissez assez pour savoir qu’avec moi, le danger de suivre ces parents dans leur comportement altruiste et généreux est nul. Mon fils Philippe l’a parfaitement compris en me surnommant  SUPER EGO.

 Or, ce fils tant chéri aux instants ( rares ) où je ne pense pas à moi, vient de me donner la magnifique preuve qu’il a compris le principe inverseur de mon enseignement en me gratifiant de quelques dizaines de milliers de Francs d’actions de la boîte où il dirige une vingtaine d’informaticiens. Vous imaginez ça ? Au lieu d’exiger de moi une avance sur héritage qui ferait de lui un fils à papa, il me gratifie d’un pactole qui fait de moi un père à fifils ! J’es”père” que ça vous en bouche un coin !

L’histoire que je viens de vous raconter pourrait s’arrêter là. C’est ne pas tenir compte du pouvoir intergalactique de ma personnalité.  Ma modestie répugne  ( pas trop, quand même … ) à vous le dire, mais il n’y a pas que mon fils chéri ( à mes moments perdus ) qui me fasse des cadeaux. Même des personnalités mondialement admirées m’efont ! C’est incroyable mais vrai. Alors, lisez bien ce qui suit. Vous me saluerez avec plus de considération après.

Au cours d’une émission de Bernard PIVOT, le grand, le génial Boris CYRULNIK m’a fait devant des millions de téléspectateurs un cadeau d’une valeur inestimable que je déballe illico devant vous rien que pour vous faire baver de jalousie et de stupéfaction.

Mon cher Boris en était arrivé à parler de la carence affective chez l’enfant, laquelle, selon lui, est la plus grave des carences, qui est pire que la violence, parce qu’elle est le vide ……Déjà génial, non ? Mais attendez la suite.

Il poursuivit en parlant de l’excès d’affectivité des parents pour leurs enfants, et là, je cite textuellement :

” Les enfants gavés d’affectivité ne savent pas à quel point c’est important. Ils sont même souvent emprisonnés par trop d’affectivité. Cela les dépersonnalise. Alors, à l’adolescence, ils sont obligés de se mettre à l’épreuve pour avoir la preuve de ce qu’ils valent. C’est à dire que si on ne leur donne pas l’occasion de donner, c’est eux qui s’infligeront des épreuves.……On humilie des enfants qu’on assiste et auxquels on donne tout………. Il faut leur donner l’occasion de donner. A ce moment là on leur donne une sensation de victoire sur eux-mêmes …………”.

Vous avez bien lu ? Des parents qui aiment comme il faut leurs enfants les encouragent à faire des cadeaux et des enfants bien élevés doivent abreuver de cadeaux leurs veaux de parents.

Qui osera dire que je n’ai pas bien élevé mon fils et qu’il en a de la chance d’avoir comme géniteur un SUPER EGO tel que moi  ? !

Mais ce n’est pas tout. Savez-vous ce qu’a encore fait mon fils récemment dans la stricte logique de mon enseignement  cyrulnikien ? Il m’a écrit pour me remercier du cadeau qu’il m’avait fait…. Là, l’élégance du geste atteint une dimension sublime, n’est-ce pas ?

Et il y en a encore qui trouvent que la vie n’est pas belle, que leurs enfants leur causent bien des soucis, et gna gna gni et gna gna gna ! Quels idiots !

Moi, quand je pense aux enfants et à mon fils chéri, je n’ai qu’une préoccupation : que toute cette marmaille cotise suffisamment pour me payer une bonne retraite ! Et tant pis si je suis montré du doigt pour cette pensée peu altruiste : comme le dit le proverbe, un tien vaut mieux que Dieu, tu l’auras, n’est-ce pas ?

                                                                                                                                                                                                                                   Un super ego et père à fifils

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Le Salon d’Automne

Je viens de commettre un acte abominable ( un de plus ), à l’occasion du Salon d’Automne de B…. de L…. où étaient présentées avant mon départ pour Compostelle pas mal de croûtes ( il y en avait tellement que des passants ont pris ce salon pour une boulangerie, peut-être aussi à cause des baguettes qui composent les cadres ). Alors, forcément, dans ce salon, quelques croûtes ont reçu un prix immérité, mentionné sur une étiquette scotchée près de l’œuvre :

“Prix du Salon “,
” Prix de sculpture “,
” Prix du paysage “, etc.

A la constatation qu’à B…. de  L…. certaines croûtes étaient récompensées et d’autres, pas, mon sang n’a fait qu’un tour ! A nullité de mérite égale, n’est-il pas équitable de donner un prix à tout le monde ? Ce que j’ai fait illico ! Tout simplement en présentant près des œuvres qui n’avaient pas été remarquées par le Jury une étiquette du genre :

” Prix de la consternation “,
ou ” Prix de la méningite aphteuse ”
ou ” Prix de la cataracte “,
ou ” Prix de l’acharnement injustifié “,
ou ” Prix des irradiés “,
ou ” Prix de la purée Maggi “, etc.

Mais comme je ne veux pas faire de la peine à des attardés mentaux, j’ai retiré mes étiquettes lorsque je suis parti.

Comme je suis diabolique (  puisse Compostelle m’améliorer ), j’ai pris des photos de mon forfait que j’ai jointes à cette lettre au Maire de B… de L….sur C….

Monsieur le Maire,

Je viens de voir le Salon d’Automne et tiens à vous rassurer tout de suite sur mon état gastrique : bien  que condamné par ma situation de pauvre erre emmiste à me satisfaire d’une portion alimentaire voisine du jeûne,  je n’avais plus faim en sortant de votre exposition grâce aux multiples croûtes que j’ai dévorées des yeux. Sans parler des baguettes qui entourent chaque tableau. Merci, Monsieur le Maire, d’avoir pensé à tous les affamés de notre bonne ville.

Après cette bonne nouvelle, voici la mauvaise : je vous écris aussi pour vous faire part de mon indignation. Qu’est-ce que c’est que ces prix…. que vous avez attribués ? Comme le montrent les photos ci-jointes, vous avez osé décerner un ”  prix de la consternation “, un autre ” de la cataracte “, sans parler du ”  prix de la méningite ” etc. C’est une honte ! Presque tous les artistes invités ont eu un prix de ce genre. Si je comprends le désir du Jury de la mairie d’attribuer une pléthore de distinctions dans le double but de satisfaire la vanité d’un troupeau de créateurs…… et d’acheter ainsi leur vote pour votre réélection, je trouve scandaleux de donner un prix déshonorant à qui n’a pas les moyens mentaux de le constater.

Monsieur le Maire, c’est clair : si vous ne retirez pas illico les étiquettes infamantes de l’exposition, je ne vote plus pour vous, j’entraîne avec moi  tous les pauvres erres emmistes de B… de L…. et il y en a, à B… de L…. ! Ça risque de modifier le résultat de vos espérances électorales ! 

Ce Gag m’en rappelle un autre que j’ai fait à mon fils Philippe qui était venu m’accueillir à la Gare Montparnasse. A la place de mon chapeau tyrolien à plume, j’avais posé sur ma tête une Kippa        ( que j’avais volée à la synagogue de Moissac pour l’utiliser en cas de nécessité pécuniaire comme sébile pour faire la quête à la sortie d’une église ). En réponse à l’air interrogatif de mon fils sur la raison d’être de ma Kippa, je lui dis :

– ” Fiston, j’ai une grande nouvelle à t’annoncer ” .

Après “ça”, mon fils ( comme mes amis ) ne sont-ils pas admirables de continuer à me supporter ?

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La guigne

Au docteur Philippe BECADE, sans l’intervention duquel je ne serai plus de ce monde  et avec ma gratitude anticipée pour celles, hélas prévisibles, qu’il aura à faire dans un avenir espérons pas trop prochain.

La guigne, ça existe, et c’est attristant, la guigne ! Alors, pourquoi appelle-t-on guignol quelqu’un qui fait rire ! Quoi que….. Je viens d’en rencontrer un qui a subi dans sa vie tant de malheurs qu’à force, leur accumulation produit un effet comique irrésistible.

Il faut dire qu’il s’appelle Khorrey. Ca n’a l’air de rien mais vous allez voir quelles plaisanteries faciles du plus mauvais goût un nom pareil peut provoquer. Ça a commencé au collège où il a eu le malheur de répondre, quand il était aux toilettes et que ses canailloux de petits copains lui demandaient de l’autre côté de la porte

– Que fais-tu, Khorrey ?

– Je chie !

J‘espère que vous connaissez la mère LEROUX et sa chicorée  pour comprendre. Vous imaginez d’ici les trémoussement collectifs provoqués par une telle réponse et la répétition sans fin et sans raison de la question qui l’avait provoquée. Les moqueries suscitées par son nom ont été son premier chagrin. Il en a connus d’autres, comme s’il développait sans relâche des variations sur le thème des peines qui lui ont été causées plus tard par de grands malheurs. Sa vie n’a été que misères ! Et là où je l’ai connu, dans une clinique, il n’y était pas pour son plaisir alors que moi, j’y transitais à l’occasion d’une intervention peut-être délicate, mais que je considérais sans angoisse en raison de ma confiance absolue dans mon chirurgien et du court temps requis, une demie heure, afin de sectionner une carotide, la déboucher et la recoudre, le tout sous anesthésie locale, une bricole, quoi ! D’autant que j’étais accompagné par Eliane dont la gentillesse et l’humour féroce m’ont toujours mis en joie, vous le constaterez plus loin.

Après l’intervention dont je viens de vous parler, je suis conduit dans une chambre pour deux malades. Même pas le temps de me réjouir d’être seul qu’un infirmier installe dans l’autre lit ( qu’en l’occurrence il serait plus approprié de qualifier de litière) une espèce de monstre qu’on aurait dit sorti du laboratoire de Frankenstein. C’était Khorrey. De son corps partaient des tubes d’alimentation en produits divers, manifestement pas bio bien que salutaires, et des fils pour des contrôles qui aboutissaient à un moniteur. Sans parler de deux tubes qui injectaient de l’oxygène, je pense, dans ses narines. Avec toutes ces extensions, on aurait dit une araignée, d’autant qu’il avait un ventre énorme, parfaitement rond. C’était surréaliste de voir ce bide  ” ( sph )féérique ”  ainsi que ses prolongements, le tout posé comme un énorme poulpe sur un lit de souffrances. Je lui demande ce qu’on vient de lui faire. Je crois comprendre : parce que il parle comme si on lui avait fait une trachéotomie, qu’on lui a mis des ressorts non pas dans le larynx mais dans les veines d’une jambe, à plusieurs endroits.  Il le dit avec fierté, comme s’il citait le nombre de ses décorations. Encore un damné qui trouve une consolation dans la cause de ses malheurs ! Pas bête cette façon de réagir quand on est la victime impuissante d’un sort contraire, non ?

Je discute avec lui dans l’espoir de le réconforter. J’oublie cette prédilection qu’ont certaines personnes de transformer toute conversation en olympiade où il faut battre le record d’en dire plus que l’autre dans le sujet dont on débat. Comme je le laisse parler, il fait les demandes et les réponses. Il est le relais d’une course pendant laquelle il passe d’un malheur à l’autre. Outre ses calamités médicales dont je vous passe le détail parce que je ne suis pas payé à la page, il me dit que sa femme l’a abandonné récemment. Elle est partie avec le postier de son quartier qui a profité de sa fonction pour lui adresser des lettres d’amour sans payer de timbre. Je soupire un ” oh lala ” accablé bien que je commence à l’être de moins en moins à son égard et de plus en plus au mien. Il met ma patience à rude épreuve. C’est pas passionnant les malheurs des autres. Bon, sa femme l’a  quitté ! Et moi ? Je suis là, qui le supporte ! On vient de m’opérer, quand même ! J’aurais pu mourir pendant l’intervention ! Faut pas pousser !  Bon, soyons charitable. A la condition de continuer à l’entendre sans   l’écouter ! Donc sa femme l’a quitté, oh lala…. En retour, il ne l’a pas été par sa progéniture. Je glousse un ” ah ” joyeux qui s’estompe vite dans ma gorge parce que ses enfants se sont accrochés à lui pour obtenir par voie de justice de prélever sur  sa maigre retraite ( 800 euros ) une assistance leur permettant de compléter sans effort leurs revenus de chômeurs professionnels. Et dire qu’un magistrat a jugé équitable qu’il soit délesté mensuellement de 20 euros par chacun de ses quatre fainéants de fils ! Sans l’aide sociale dont il bénéficie, il ne pourrait pas être hébergé dans l’institution où il finit petitement ses jours et où, heureusement, il dit qu’il se sent très bien. Ah, quand même !

Que voulez-vous dire et faire en entendant tout ça ? Vous compatissez, en soupirant, … l’esprit ailleurs ! Très bourgeoisement, ce qui est idiot en la circonstance, je dépose ma carte de visite sur sa table de chevet. Je lui dis qu’il m’appelle, s’il a besoin de moi à l’avenir. Je doute qu’il le fasse. Pour l’immédiat, il a besoin d’un bassin, parce qu’il ne peut sortir de son lit. C’est au moment où je lui rends le service qu’il me demande qu’arrive Eliane. Elle ne pouvait pas mieux tomber. Je commençais à déprimer sous l’avalanche des mauvaises nouvelles.

Eliane ! Quelle personnalité !  Quelle culture ! Et par delà nos différences, des goûts communs et une complicité qui transforment en évènements festifs les moments que nous passons ensemble, à pied, à cheval, en voiture, en avion et même en montgolfière, c’est vous dire que partout nous sommes heureux de nous retrouver ! Surtout  en montgolfière où je n’ai jamais mis les pieds avec elle ! C’était pour  insister sur l’étendue illimitée de notre complicité ! Elle joue tout le temps,  même dans les instants insignifiants de notre vie. Par exemple, lorsque nous nous promenons en ville. Tout nous amuse. Avant elle, il m’arrivait de rire. Avec elle, je rigole aussi. Et c’est très précieux de rigoler. C’est ainsi qu’on retombe, miracle, en adolescence. L’autre jour, à Toulouse, elle me reproche, hilare, des flatulences que j’émettais piano pianissimo pensant qu’elle ne les entendrait pas dans le fond sonore de la circulation. Peu après, une moto passe en pétaradant forte fortissimo. Elle me donne un coup de coude en me disant   ” profites-en. C’est le moment d’en faire autant “. D’où rigolade  Bref, elle est à mon moral ce que les cures de jouvence sont à la Roumanie ! Il faudra que je lui donne prochainement un surnom de là-bas ! Notre propension à nous amuser de tout comprend quelques interdits et des devoirs. Nous excluons de nos pratiques juvéniles les farces, parce qu’elles donnent à leur auteur un statut de dominant ( ah, je t’ai bien eu ?! ) qui, même temporairement, n’a pas sa place dans une relation où doit prévaloir l’estime de l’autre ! De même nous pensons qu’une relation aussi forte que la nôtre comporte des obligations. Ainsi, elle a tenu à m’accompagner à la clinique et je sais qu’à ma sortie, elle me dorlotera chez elle où elle a exigé que je passe ma convalescence. En attendant, elle m’a préparé d’une façon très spéciale à ma venue ici. Elle m’a dit des choses atroces sur le ton de la fausse méchanceté. Quand je faisais semblant de le lui reprocher, elle me répondait

– ” C’est pour t’endurcir afin de mieux supporter les épreuves qui t’attendent ! ”

D’autres fois, elle justifiait ses vacheries moqueuses par

– ”  Tu t’embêterais sans ça “.

C’est dire si avec elle on fait une paire d’enfer et si nous avons joué mon transit à la clinique comme un remake de l’hôpital en folie.

Pendant que je vous dis tout ça, ne me demandez surtout pas comment, c’est la magie de l’écriture, ce brave Khorrey s’est assoupi sur son pistolet. Vous pouvez me croire puisque je consigne cette nouvelle d’intérêt mondial. Je dis à Éliane

– ” Pourquoi appelle-t-on ” pistolet ” cet instrument ? Je sais bien qu’il se remplit par l’organe dont on dit vulgairement qu’il tire des coups …mais quand même … “.

Et nous voilà pliés en deux, une fois de plus ! A côté d’une personne qui est peut-être dans un état catastrophique…….

Éliane et moi nous nous asseyons en tournant le dos à notre voisin, genre : ” nous sommes discrets, ne vous occupez pas de nous ! “. Ce qui s’avère impossible. Est-ce sa façon de ronfler dans son demi sommeil, est-ce pour cause de laryngite grave, toujours est-il qu’il siffle comme une flûte raccordée à un compresseur. Se produit une quinte de toux. Elle est phénoménale, gigantesque !  De grandes orgues sauvages prennent la place de la flûte. Plus exactement, nous voilà transportés subitement dans une réserve d’Afrique du Sud. Notre voisin barrit à la façon d’un éléphant qui éjecterait des glaires énormes par la trompe pour éviter un étouffement définitif. C’est effrayant ! Je réagis à ces éruptions libératrices comme si j’avais peur en me serrant tout contre Éliane. Là, je feins de m’essuyer le nez avec mon index pour désigner mon voisin sans qu’il s’en aperçoive. Je m’amuse à parler dans un entremêlement de quintes suffocatoires comme si j’étais lui. Je macule sans vergogne de postillons le visage de mon amie. Elle doit penser qu’elle assiste de trop près à l’éruption du Popocatépetl. Pourquoi ? Parce que je veux changer de décor au nom de la licence littéraire ! Je lui dis alors, avec un fort accent sud américain  :

– Chérieeee, yé peurrrrrrrr !  Toux entends ces sinistres gargouillements ? …. Est-ce que toux a bien attaché l’éléphant ?!!!!!

D’accord, y en a pas là-bas …. mais ça passe ! Je poursuis :

– Qu’est-ce qui l’irrite tant ( à l’éléphant qui n’a rien à faire ici ! ) ? Si on le laisse faire, il va casser toux dans la maison.

J’imite alors à mi voix les bruits provenant du lit d’à côté :

– ” heurck, heurck, Harkark, pouetpouet ” !

Je poursuis ma comédie :

– Chérie, né mé quitte pas ! Yé t’adore. Toux es, …..” heurck, heurck, Harkark, pouetpouet ” ! la femme dé ma vie. Toux est mon rempart contre l’adversité !

Malgré la gravité de la situation, nous manquons de nous étouffer à notre tour en contenant pour le rendre discret un fou rire qui n’en finit pas. Éliane me demande dans l’esprit de mon jeu  si c’est un vétérinaire qui m’a opéré ou un chirurgien parce qu’on pourrait croire que nous ne sommes pas dans une clinique mais au Zoo. Comme je ne suis plus à une invraisemblance près, retournons, si vous le voulez bien en Afrique du Sud. Avec mes compliments d’avoir eu la patience de me suivre jusqu’ici !

– Il s’appelle comment, cet animal ? dit Eliane en désignant mon voisin de lit.

– Khorrey.

– Et quel est son prénom ?

Je me souviens des plaisanteries faciles dont il était l’objet quand il était enfant. Je lui réponds

– Chi, …..

–          ?….

– A cause de la mère LEROUX…..

Eliane a compris l’allusion. Nous rions comme des idiots.

De son côté, Khorrey éructe, toujours. Il alterne ses exhalaisons avec des barrissements phénoménaux. Et dire qu’ils m’ont laissé seul avec cet énergumène ! Pas sérieux dans cette clinique où tout se passe comme si on était à des milliers de kilomètres de la France. Encore heureux que les infirmières ne portent pas de boubous et les infirmiers des étuis phalliques qui jailliraient entre deux boutons de leur blouse blanche, vous voyez d’ici le spectacle……..

Tout à coup, se produit un évènement grave. Le pachyderme est redevenu un homme. Il semble  affolé. Il lance des appels confus pendant quelques brefs instants. Puis se produit un boum fatal, suivi de gémissements alarmants : Le Chi vient de tomber de son lit. Je me précipite près du pauvre homme pendant qu’Éliane sort de la pièce demander de l’aide. Deux infirmières arrivent. Elles le remettent sur son lit. Elle lui parlent comme si elles l’avaient surpris juché sur une chaise pour attraper un pot de confiture :

– Alors, monsieur Khorrey, on ne peut plus vous laisser seul sans que vous fassiez des bêtises ?

Le médecin, venu peu après prescrit une radio. Je dis à mon amie :

– Avec la veine qu’il a,  il s’est cassé le col du fémur.

La radio confirme mes calamiteuses prévisions. Ainsi mon malheureux voisin allait subir juste après une opération sérieuse, une deuxième, plus grave que la première. Cette nouvelle nous a dégrisés. Ce jour là, pour la première fois, mon amie est au bord des larmes quand elle me quitte.

 ——– O ——–

Surprenante quête dans le train

Avant le départ du TGV un jeune homme se présente dans le couloir du wagon. Il nous récite à voix haute ceci :

“ Excusez-moi, mesdames et messieurs. Je vais vous demander deux minutes d’attention, bien sûr si vous le permettez. Il y a quelques jours de cela j’ai été libéré de prison. Ce que j’ai fait, c’est pas bien grave, sinon, mesdames, messieurs, je ne serais pas là. Mais ce qui est plus important c’est que j’ai perdu mon emploi. Alors, en attendant de trouver mieux, je vais essayer de me permettre de passer parmi vous, bien sûr si vous m’y autorisez. Ce que je vais vous demander, ça pourrait être un ticket de restaurant pour manger un plat chaud ce soir ou quelques francs pour rester propre, et ça c’est primordial pour moi. Pour les personnes qui ne pourraient pas, je leur demanderai une chose : un petit sourire. J’aurai l’air moins bête. Merci beaucoup, mesdames et messieurs ”.

Lorsque le quêteur arrive à mon siège, je le complimente sur l’excellence de sa prestation. J’ajoute que grâce à la qualité de son texte je peux lui obtenir tout de suite un petit travail, oh, pas pour longtemps, 10 minutes, mais qui lui rapportera quand même 10 F, soit 10 x 6 = 60 F de l’heure, non imposable. En réponse à son interrogation, je lui demande tout simplement de m’écrire son texte ( pour le faire paraître dans la Gazêtre édité par une association de conseil et formateurs ), ce qu’il fait. Après quoi je lui remets la somme convenue, je le remercie chaudement  et lui dis qu’il n’y a pas de raison qu’après ce premier travail bien réel il n’en trouve pas un autre, plus long et plus régulier, qui rende son bilan et son compte en banque positifs ! Sur ce , comme cela se fait entre gens du meilleur monde, je lui laisse ma carte de visite. La tête du bénéficiaire réagissant à ma façon de le considérer, et, par contraste, celle consternée de mes voisins, faisaient plaisir à voir !

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Le test de la vaisselle

En période estivale, on a souvent de la visite quand on habite une région ensoleillée. J’aime ces allées et venues d’ami(e)s. Et cela m’est d’autant plus agréable de recevoir qu’en bon Super Ego je n’ai aucun scrupule à faire marner les visiteurs comme s’ils étaient chez eux, en particulier en leur faisant faire la vaisselle.

C’est fou ce qu’on apprend alors ! ( et ceux qui s’invitent apprennent aussi à ne plus remettre les pieds, et surtout les mains, chez moi . Ouf ! ).

Les paramètres de la vaisselle sont simples : il y a le savon, l’éponge, l’eau et la vaisselle. La façon de manipuler ces paramètres est révélatrice : Pour laver une cuillère à café, le gaspilleur vide un demi- flacon de savon liquide sur l’éponge et ouvre à fond le mitigeur qui débite de l’eau chaude en plein été. La névrosée déplace l’éponge sur les plats sales avec toutes les marques du dégoût sur le visage, comme si elle lavait les couches d’un grabataire incontinent, etc.

Alors, Messieurs les psychologues, pensez à inclure le test de la vaisselle pour vos prochains recrutements. Essayez ! Rien que pour voir la tête du postulant qui découvre que la salle où il va passer ses tests est la cuisine de la cantine, et sa tenue de travail un tablier en toile de Vichy et des gants de ménage !

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Voeux

Je suis d’accord avec le principe d’une marque de nouilles qui dit :

– Des pâtes, oui, mais des P… !

De même, en fin d’année, mon slogan est :

– Des vœux, oui, mais avec un cadeau !

Parce que c’est la seule façon de prouver qu’on souhaite réellement la prospérité de la personne à laquelle on les adresse.

Voici, par exemple, ceux que j’ai ” offerts ” cette année.

Hommage à Calder

Depuis quelques jours, ma félicité est extrême et permanente.

Grâce à une femme, mais pas pour ce que  vous imaginez !  Cette merveilleuse enfant de Dieu se prend pour Saint François d’Assise : elle suspend aux branches des arbres des boules de suif pour que les oiseaux les picorent.

Mais voilà, dès qu’un volatile ” aboulit ” sur son festin, celui-ci oscille comme un saucisson pendu qui aurait la danse de Saint Guy. Le battement des ailes, les coups de becs, la venue d’autres convives affamés, font gigoter de plus belle l’objet du festin. A voir ces volatiles qui festoient agrippés à une bectance qui se trémousse dans tous les sens, ça m’a donné l’envie de trouver un truc pour qu’elle s’agite davantage. Et j’ai trouvé ! Tout simplement, je suspends à une branche d’arbre un petit mobile dérivé de ceux de Calder, et j’accroche d’affriolantes boules de suif aux extrémités des balanciers qui le composent. Bref,

Et voilà présentée, en exclusivité mondiale, la première mangeoire aléatoire.

Vous imaginez aisément que cette construction est beaucoup plus instable que le balancier constitué par une boule qui pend au bout d’un fil. Grâce à quoi, il se passe des choses extraordinaires. Lisez bien ce qui suit, c’est très intéressant quand on gardé de son enfance un esprit taquin.

Le premier oiseau qui arrive se pose sur une boule. Il la déplace par le fait de son élan, de son poids et de ses coups de bec, ce qui le destabilise, d’où, déjà, ma joie de voir comment le volatile s’y prendra pour rester accroché à une boule qui se dérobe, sans perdre la sienne, et picorer l’autre.

Survient inévitablement un deuxième oiseau affamé. Le spectacle prend alors une dimension e-pique. Il faut dire que l’intelligence pratique de ces bestioles laisse à désirer. Elles négligent d’abord les boules libres du mobile, pour foncer vers celle qui est occupée ! Il y a bagarre de conquête pour s’approprier le festin, d’où fuite d’un des belligérants, s’il est con, ou envol ( c’est pas trop tôt ), vers les autres boules non occupées du mobile. A partir de quoi, les mouvements de chaque oiseau déplacent non seulement sa boule, mais celle des autres, par les liaisons de  la construction mobile, ce qui déséquilibre leurs occupants.

Je ne devrais pas le dire. Je le dis quand même. Ce spectacle me donne des joies méchantes, amplifiées à l’idée des récriminations que me feraient ces béni cui-cui d’écolos s’ils étaient au courant de ma façon de traiter leurs chers oiseaux !

Et je ne vous ai pas tout dit ! Il se passe parfois un événement exceptionnel : comme pendant la guerre du Pacifique, il arrive qu’un chasseur fonce droit sur un ennemi, et que tous deux tombent par terre, en chute libre. Les kamikazes n’ont pas fait mieux. Les jeux du cirque à Rome sont roupies de sansonnet à côté ! C’est grandiose ! C’est magnifique ! Quelle émotion, et avec quel appétit on mange après !

Ce ballet aérien se produit ponctuellement chaque jour devant la grande baie vitrée de ma salle à manger. Imaginez le plaisir d’un déjeuner pris à quelques mètres d’une volière, théâtre d’opérations fascinantes, et volière sans cage ….

Reste à commercialiser, avant qu’il ne soit fabriqué par des étrangers, le produit qui transmute un coin de jardin en passionnant spectacle. Parce qu’il y en a marre que nos bonnes idées soient exploitées ailleurs que chez nous !

Rien de plus simple ! Avec mes vœux de bonne santé pour l’année qui vient,

Réalisez mes souhaits de prospérité pour vous en devenant  actionnaire de la S.A.R.L

Les Mangeoires Aléatoires

Le marché est mondial, et le profit assuré, illimité. Et voilà comment, avec mes vœux de prospérité, et en première mondiale pour des vœux, je vous offre ce que je vous souhaite :
le moyen infaillible d’avoir le pactole en  2010

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Mon portrait

A l’époque où je fréquentais un club de rencontre sur Internet j’ai vécu des moments jubilatoires. Que de mensonges ai-je pu dire  pour appâter la chalande ! Quel régal quand je découvrais les siens et que je la piégeais.

Le must se produisait lors de l’inévitable demande d’adresser une photo. De bonne grâce, je l’expédiais avec ce mot :

Chère …..,

Je m’empresse de satisfaire votre requête avec mieux qu’un cliché.
Voici mon portrait peint par Mamadou, artiste Ivoirien en bonne route pour une gloire bien méritée. Je vous laisse apprécier le réalisme de son œuvre  avec l’espoir qu’il satisfera totalement votre curiosité et qu’en me regardant tel qu’il m’a vu, il ne vous vient pas à l’esprit que je me paye votre inestimable tête.

Oui, vous avez bien lu ! Mon portrait quand j’ai l’air absent !

Inutile de préciser que rarement un tel envoi satisfaisait la curiosité de sa destinataire.

Tout au plus, un mot aigre-doux sur la qualité de mon humour.

Aussitôt suivi d’une nouvelle demande.

A laquelle je répondais fort courtoisement en utilisant le cliché précédemment envoyé modifié comme suit :

Je plaquais sur le fond encadré une feuille de balza prélevée sur mon stock d’aéromodéliste.

Je titrais le tout :

Mon portrait quand j’ai la gueule de bois.

Inutile de dire que je lassais vite les destinatrices de ces joyeuses pratiques. Ainsi, je suis resté seul, tout en m’amusant souvent. Sans jalousie pour mes amis qui réalisaient facilement leur désir de vivre en couple ……d’une façon parfois très cocasse. Tel  cet avocat qui épousa une avocate et dont on disait :

” Il cherchait l’âme sœur. Il trouva le confrère“.

 

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La vengeance du représentant

Tout le monde connaît la recommandation selon laquelle il faut laisser les toilettes aussi propres en sortant qu’elles l’étaient en y entrant. C’est ici qu’intervient un anticonformiste fou des applications les plus saugrenues du principe d’inversion. N’est-il pas une situation où il serait recommandé de salir ces toilettes ?

J’ai trouvé la réponse à cette question fondamentale à l’époque où j’étais représentant. Je repartais parfois bredouille d’un entretien de vente. La rage au cœur. C’est dans cette disposition d’esprit très agressive que j’ai eu un jour l’idée de me venger de l’acheteur récalcitrant. Comment ? En placardant dans les toilettes de son entreprise une ” ahurissante proclamation ” dans l’esprit que vous devinez et dont il était supposé être l’auteur

La seule idée des réactions du petit personnel lisant mon texte, après mon départ, me comblait de joie.

Ensuite, imaginer la venue de l’acheteur alerté par l’extravagance d’un message qui lui était imputé, sa perplexité pour connaître l’       ” auteur des faits ” et la rage avec laquelle il jetterait dans la cuvette ” son ”  affichette, quelle rigolade ! C’était le bon temps !

Jugez vous-même.

Curieuse application du principe d’inversion

                                                                                                                                                                                                     

AVIS  A  LA  POPOPULATION

Prière de laisser cet endroit aussi sale en sortant
que vous souhaitiez le trouver propre en entrant

Française, Français !

Les gaspillages, ça suffit !

Savez-vous que vos déjections pendant vos heures de travail représentent en temps perdu l’équivalent de 4 jours fériés ? Soit, la dépense stérile de 17 milliards de Francs à notre chère France !

Et combien à votre entreprise ?

Non ! Votre employeur ne vous paye pas pour pisser comme des vaches.

Non ! Vous ne travaillez pas dans une usine d’ammoniaque.

Allez ! Oust ! retournez vite à votre bureau ou dans votre atelier. Et que ça saute !

Pour gagner la bataille économique du rendement, vous êtes mieux là-bas qu’ici.

Mais avant,

Françaises, Français !

Salissez ce ” petit coin ” pour qu’ici s’imposent deux réflexes salvateurs : se pincer les narines et fuir. Compris ?

Désormais,
souiller les toilettes est un geste économique et patriotique.

Vive la saleté !

A bas l’urine et autres expulsions pendant les heures de travail !

A bas l’ennemi de l’intérieur : nos déjections chronophages.

Don de

( ……Ici le nom du responsable des achats
qui ne m’avait pas passé commande )

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 L’insomnie enfin vaincue !

J’ai reçu récemment un feuillet publicitaire où on lisait ceci :

DÉBARRASSEZ-VOUS DÉFINITIVEMENT DE L’INSOMNIE !

La journée a été pénible, vous êtes sur les nerfs et craignez de mal dormir cette nuit.

Chassez vite ce souci ! Votre sommeil sera sépulcral si vous suivez mes conseils :

–  Installez deux candélabres de part et d’autre de votre lit
–  Allumez les bougies
–  Mettez des gants blancs
–  Prenez un chapelet ( marque miaou )
–  Couchez-vous
–  Rapprochez vos mains et croisez vos doigts, le chapelet par
dessus.

A partir de là,

NE BOUGEZ PLUS

Alors, ce qui se passe est vraiment extraordinaire. Votre sommeil est instantané, et il n’a rien à envier à celui d’un mort  ( de rire )

Un Conseil :
N’en rajoutez pas.
En particulier ne faites pas venir un prêtre. Les scientifiques ont curieusement constaté que sa présence provoque un sommeil définitif, d’où, quelques difficultés à vous lever, le lendemain.

Docteur Leucocyte ALAMASSE
                                                                                                                                                                                        

Le Kit

SOMMEIL SÉPULCRAL

Comprend :

–          2 candélabres calabrais
–          6 bougies somnolight
–          1 paire de gants ( précisez la pointure )
–          1 chapelet ( Miaou )

En vente dans toutes les bonnes pharmacies

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Comment laisser un souvenir inoubliable

au couple d’amis qui passe la nuit chez vous

En tête du lit où ils dormiront, déposez,  COTE FEMME, une feuille de papier avec la mention :

BIENVENUE A BORD.

N’est-ce pas une charmante mise en condition qui aide à s’échapper des préoccupations quotidiennes en attendant de s’abandonner aux rêves de la nuit  ?

Mais ce n’est pas tout !

Si les femmes aiment les loups de mer, elles sont folles des loups phoques qui les font rire.

Alors,

CÔTÉ MÂLE, Placez sur l’oreiller de votre ami, cette inscription

BIENVENUE  AU  BORD  D’ ELLE

Le coup est simplet. Il l’est moins s’il incite l’invité à en tirer un.

Cette proposition inédite vous est offerte par

THAHAR  THALAKREM
( sexologue  agréé par la famille Beylicale )

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La véritable histoire de la brouette

Il est temps de rétablir la vérité sur l’histoire de l’invention de la brouette. Que d’âneries colportées depuis des siècles à ce sujet. Mais l’archéologie avance ! Chaque jour sont rectifiées des erreurs admises. Encore tout récemment, l’archéologue Cevorien de Bretzel ( petit fils du célèbre   explorateur ) a découvert pendant sa dernière campagne en Afrique du Sud des bouses séchées sur lesquelles ont été gravés des dessins aussi précieux pour la connaissance de la vie de nos ancêtres que ceux de Lascaux ! Parce que ces premières illustrations ne racontent pas moins que la vraie naissance de la brouette. En exclusivité mondiale, voilà comment les choses se sont passées il y a trois mille ans en Zouloulandie, ce berceau sacré de l’humanité, dans le continent où fût découverte Lucie, …  comme par hasard.

– ” En l’an, de grâce, 3.000 avant Notre Sauveur, le roi Monkiki MONOPAUL, ( dynastie des N’Mabboul),  faisait sa promenade digestive dans le verger royal lorsqu’il vit pour la première fois la princesse N’CUMBA. Plus exactement, il ne vit que les fesses d’une personne courbée,  parce que la princesse était occupée à déterrer  les pommes de terre dont sa mère avait besoin pour le Patapata traditionnel. Sa croupe luisante de transpiration sous l’effet de l’effort accompli en plein soleil  ensorcela Monkiki au point qu’il posséda N’CUMBA de dos, sur le champ. Comme elle sollicitait la faveur de continuer à  ramasser les tubercules, de crainte d’être grondée si elle ne rapportait rien, le roi, compréhensif, lui saisit les pieds et la fit avancer dans cette position pour qu’elle poursuive son occupation pendant qu’il la pénétrait.

Cette séance de footing sexuel est un scoop. Vous venez d’assister à une première mondiale : l’invention du Foutring. Messieurs LAROUSSE, ROBERT et LITTRE, il ne vous reste plus qu’à rajouter fissa ce mot dans vos dictionnaires.

Un peu plus tard, Monkiki retrouve ses esprits.

En grand monarque, il réfléchit aux avantages économiques de la nouvelle position  qu’il avait utilisée pour aimer la princesse. Et là, il a une idée géniale. Il remplace les jambes de sa partenaire par des bras en bois, son tronc, par une planche, et ses mains, par une pierre à meuler tournant autour d’un tibia frais. Il invente ainsi la transplantation, le  moyeu, la roue et le premier véhicule répertorié, qu’il nomme ” N’CUMBA “, en hommage à celle qui lui avait donné une royale satisfaction. ( Bouse gravée N° 102, dite “ bouse de la princesse “. Découverte le 6 Juillet 1995, strate 22 ).

Monkiki MONOPAUL est  donc l’inventeur incontesté de la brouette. 2.000 ans avant les chinois ou les scaphandriers de l’Atlantide !

Après un tel exploit intellectuel, Monkiki MONOPAUL aurait pu se reposer. Mais c’est mal connaître l’intelligence d’un esprit supérieur quand il s’engage dans la voie des déductions. Il les poursuit jusqu’à leur conclusion.

Par décret royal (bouses gravées N° 103, 104, 105  et 106, strate 22),

1)      Il élève la pomme de terre à la dignité d’emblème national.

2) Il décide que la N’CUMBA sera exclusivement utilisée pour le transport du légume royal. ( Auparavant, les pommes de terre étaient véhiculées dans la poche des kangourous qui s’en servaient un peu trop souvent pour bombarder leurs maîtres ).

3) Il ordonne que tout contrevenant soit mangé avec des frites.

4) Il crée l’ordre du pommedetaire qui récompense les dignitaires les plus méritants, lesquels arboreront un germe de pomme de terre sur la boutonnière de leur étui phallique, façon macaron de la Légion d’Honneur, pour les distinguer d’un vulgum pénis “.

Vous avez bien lu ? C’est ainsi que ça s’est passé quoi qu’en disent les pisse froid de tous bords qui ne manqueront pas de déclarer que les allégations de Cevorien de Bretzel  sont un chapelet d’inepties provoqué par l’absence de casque colonial sur son chef quand il fait ses fouilles sous le soleil ardent de là-bas.  D’après les mêmes rabat-joie, il paraîtrait que la pomme de terre n’a pas été introduite en Afrique du Sud avant le 18ème siècle. D’autres prétendent qu’ ” on ” n’a jamais vu l’ombre d’un kangourou là-bas. Qui ” on ” ?

C’est quand même pas rien,  la preuve des bouses révélée par Cevorien de Bretzel, de l’Institut et autres lieux honorifiques. Si maintenant, on ne peut plus se fier aux hommes de science, qui croire ?

La boxe médiévale

Quelle époque ! Le sens de la mesure se perd ! Prenez les solliciteurs par exemple. Rien n’arrête leur culot.

L’autre jour, pendant que j’écrivais le 321ème chapitre de mon dernier livre ” Les mémoires d’un éléphant ” ma table de travail a fait un bond, comme jamais avant, au risque de se casser un des trois pieds qu’elle a ( quand elles n’ont pas trois pieds, les tables ne sautent jamais toutes seules ).

Manifestement, quelqu’un d’énergique utilisait ma table tournante pour me parler ! Agacé d’être dérangé mais curieux, tout de même, j’engage brutalement le dialogue.

–   Qui êtes-vous, nom de Dieu !

–   Gontran Lebraz de Fert.

–   Encore vous ! Je vous ai déjà mis à la porte tout à l’heure ! Vous me demandiez de sponsoriser des combats de boxe. Les boxeurs, ils peuvent se taper dessus tant qu’ils veulent, moi, je m’en tape. C’est bien simple, les boxeurs, je m’en fous. Voilà !

–   Même si c’est pour une grande cause ? Aider des boxeurs handicapés.

–   Comment ça, des boxeurs handicapés ?
–     Des boxeurs manchots.

–     C’est plus de la boxe, votre sport ! C’est de l’art ! Avec ses statues dont les bras sont coupés !  Comme au musée ! En voilà, une histoire ! Et comment ils boxent vos     manchots ?

–          Aussi bien qu’un boxeur normal, sinon mieux !

–          Après avoir été restaurés au Louvre, peut-être ?

–          Pas du tout. Avec une prothèse bien terrestre.

–          Cela ne fait pas trop ” Rencontre du troisième type ” un  athlète en short avec une prothèse ?

–          Non, quand on ne voit pas sa prothèse et qu’il n’a pas de short.

–          Il ne boxe pas cul nu avec seulement une veste pour cacher sa prothèse ?

–          Il boxe en armure ! C’est ça, la boxe médiévale.

–          Ce n’est plus la “Rencontre du troisième type”. C’est l’entrevue de ” Du Guesclin avec l’Homme au masque de    fer ” !

–          Qu’est-ce que vous allez chercher ! Le boxeur est installé à l’intérieur d’une armure modèle 1415, modifié 1517, sous laquelle fonctionne discrètement son appareillage. Comme ça, le boxeur ressemble à n’importe quel homme normal. Et en plus, la protection de son corps …

–          … Ou de ce qu’il en reste

–          …. est totale. Bref, la boxe médiévale est le sport idéal des manchots : personne ne remarque leur handicap. Et ils sont protégés à 100 / 100.

–    La ferraille, quand même …

–          Ah, ça, elle en prend un sacré coup, avec la puissance des nouvelles prothèses. Onze chevaux vapeur, c’est pas rien,    hein ! Mais ça donne du travail aux tôliers. Par ces temps de chômage, c’est un avantage économique.

–          Et l’entraînement ?

–          Supprimé. Faire taper un putching ball avec un gant actionné par une bielle ne fait pas donner un coup de poing plus fort demain. Le bon rendement de l’appareillage est affaire de mécanique et de contrôle technique. Sans aucune gène pour nos champions. Ils expédient leur prothèse par chronopost au centre agrée le plus proche. Après examen et réparation éventuelle, le mécanicien tatoue sur le bras la date de la révision, et s’il y a lieu, les organes remplacés !

–          Et le dopage ?

–          Alors, là, il y a eu un grave problème. Parce que certaines maladies dopent un boxeur. Elles lui donnent un avantage, au détriment des boxeurs qui sont sains.

–          Allons, bon, va pour les maladies qui améliorent les résultats sportifs ! J’aurai tout entendu avec vous. Tout à l’heure, les manchots boxent avec une prothèse afin de ne pas rester coupés de la vie sportive.  Après, ils cachent leur prothèse sous une armure pour qu’on ne remarque pas leur handicap. Et maintenant, certaines maladies les mettent en forme mieux que la santé ! Vous n’avez pas une boussole, ou un plan, pour que je m’y retrouve ? Et  du Cognac, tant qu’on y est, pour que je récupère.

–    C’est pourtant facile à comprendre. Le boxeur qui a la danse de Saint Guy ou la coqueluche bénéficie de gesticulations très violentes pour lesquelles il doit être impitoyablement disqualifié. D’ailleurs, notre saint patron …

–     Un saint boxeur ? Il faut chercher …

–    Ne cherchez pas. Vous ne le trouverez pas.

–   Mais alors ?

–   Nous avons trouvé mieux qu’un saint. Une sainte …

–   Une sainte ?

–   Jeanne d’Arc, amputée célèbre …

–   Jeanne d’Arc, amputée ? Vous n’y allez pas de main morte. Amputée après le bûcher, peut-être, si on ne fait pas le détail. Mais avant ?

–  Jeanne était pucelle, non ? Elle était donc amputée d’un homme. On n’est pas allé chercher plus loin.

Quand on pense à ce qu’elle a fait avec son armure, cette sacrée femme ! Quelle magnifique leçon pour nos athlètes ?  Inspirés par son exemple, ils sont tout feu tout flamme pendant un tournoi. Précisons que tout est fait pour ça autour d’eux. Le ring, éclairé par la lumière vacillante de 36 chandelles, est surmonté d’un dais en velours rouge. …

–   Le rouge excite les boxeurs comme il excite le taureau des corridas ?

–   Evidemment.

Aux quatre coins du ring il y a quatre écuyers. Ils présentent au public leur bouclier publicitaire qui clignote aux armes de nos 4 super sponsors :

Les avions Rafale, de Marcel Dassault.
Le sous-marin Le Redoutable, de la marine
nationale.
Les autos tamponneuses de la fête foraine de
Beaumont de Lomagne.
La bouillie Prestlé

La fin et la reprise des rounds sont annoncées par 6 pages qui soufflent dans leur trompette, comme si le Président de la République allait parler aux français, pour perdre une fois de plus les élections. Alors, assister à une joute dans ce décor, c’est inoubliable. Personne ne regrette ses écus. Le spectacle d’une visière défoncée par un uppercut de onze chevaux
vapeur, quelle gueule ça a ! On en prend plein les yeux et plein les oreilles.

–   Surtout le boxeur.

–   Mais lui ne risque rien. Même – c’est assez rare, mais ça se produit – lorsque le boxeur redevient tout à coup manchot après un coup de poing plus fort qu’un autre qui lui arrache la brassière et la prothèse qu’elle recouvre. Alors, là, l’émotion est à son comble. Il faut entendre les hurlements de la foule. Ils ne devaient pas être plus forts à Rome quand un lion dévorait un chrétien en le faisant passer méthodiquement par tous les stades de l’amputation, manchot, cul de jatte, eunuque, borgne, …

J’oubliais un dernier moment de grande émotion, le final. Après le combat, tout le monde se dirige vers la statue de Jeanne d’Arc. Elle est habillée comme une boîte de conserve, et brandit au-dessus de sa tête son épée ouvre-boîte. Le champion s’agenouille et pendant qu’il lui baise les pieds, la chorale des petits chanteurs à la croix de bois, éclairée par des torches camping Gaz, entonne l’hymne au vainqueur.

Après cet hommage, le perdant est allongé de force sur une table de torture placée sur le chemin de la sortie. Le public qui s’en va lui jette les branches du houx de la honte que les druides assermentés de notre fédération ont cueillies la veille à Domrémy. Ce final est d’une très grande classe.

–   Et vous voulez que je sponsorise cette mascarade ?

–   Alors, avec vous, les mutilés, on les abandonne, on les laisse coupés de la réalité ?

–        On les appareille pour qu’ils retrouvent l’usage raisonnable d’un membre qu’ils ont perdu. Pas pour qu’ils jouent à la guerre des robots avec leur prothèse. Quand je mastique, est-ce que j’utilise les 3 vitesses de mon râtelier auto mobile pour autre chose que :

–            La troisième, pour les bouillies,
–            La deuxième, pour les viandes tendres,
–            La première, pour les viandes dures, les poulpes ?
–            Et le point mort, pour boire, tout simplement !

Mon cher Lebraz de Fert, c’est bien de s’occuper des handicapés. Mais laissez-moi vous donner un conseil.

–    Dites voir.

–    Prothésez-vous des excès.

Là dessus je lui ai fait un bras d’honneur. Vexé, Gontran Lebraz de Fert a du baisser les siens parce que je n’ai plus entendu parler de lui. Ah, mais ! Quelle époque !

La mort de Mala Soutra

ASHRAM GRAM

de PIQUE et  PIQUE et COLEGRAM

Secrétariat

C’est bien triste pour moi, Nadine Bébek, de vous dire que notre vénéré maître, Mala Soutra, a vécu ces derniers jours dans les pires souffrances. Malgré son entraînement mental exceptionnel, il ne pouvait retenir un ” aïe ” de douleur chaque fois qu’il bougeait. ” Aïe “, ” Aïe “, pendant toute la journée ce chant d’aïe nous remuait le cœur.

Nous plaisantions notre Maître pour l’aider à supporter ses épreuves. Par exemple, le matin, au lieu de lui demander de ses nouvelles, nous lui disions :

– Alors, toujours autant d’ ” aïe ” dans votre ” pot âgé “, Maître ?

Ou, regardant ses pieds endoloris:

– Alors, madame la marchande, vous nous la faites à combien votre botte d’ ” aïe ” ?

Le soir, quand il se retirait dans sa cellule, nous lui disions :

– Bonz’oir, bonz’ aïe !

ou

– Bye, bye, bonz’aïe

Ou

– A quelque chose malheur est bon. Vous ne serez pas piqué par les moustiques, cette nuit. Ils n’aiment pas l’ ” aïe au lit “.

Admirable dans l’épreuve, Mala Soutra répondait à nos tendres moqueries :

– Continuez, mes enfants. Vos témoignages d’affection réchauffent le cœur de votre aïeul.

Hélas, tout a une fin. Hier, il ne s’est pas levé. Il est resté allongé sur son matelas de clous de girofles, les mains croisées sur la poitrine pendant que ses disciples le veillaient.

Vers midi, ma grand-mère, Marii Huana, sa disciple préférée qu’il appelait aussi Lamanne Céleste, rejoint les fidèles en prière. Est-ce la joie de la revoir ? Mala Soutra bouge enfin. Il décroise les mains. Il les glisse le long de son corps endolori. Arrivé au bas de sa tunique, il la saisit et la remonte jusqu’à ce qu’elle recouvre son visage. A l’exception de sa tête ainsi encagoulée, il est nu sous le regard étonné de ses fidèles et de Marii Huana. Pourquoi s’est-il dévêtu ? Quel message veut-il transmettre ? Pendant qu’on se le demande, le sexe de Mala Soutra se redresse dans un dernier spasme vital, fier comme celui d’Artaban après une cure de Ginseng. Au même moment, le gong du monastère, actionné par des esprits invisibles, transmet en langage morse, compris des seuls initiés, ce message d’une grande sagesse :

– Que votre esprit s’inspire sans cesse de la dernière image que je vous laisse de moi à poil : celle d’un pieux  barbu. Et qu’on en finisse avec la pratique monarchique d’une unique réincarnation après ma mort ! Que la règle soit, désormais, celle démocratique de la métempsycose gémellaire avec ses renaissances concomitantes

Are, Are, Mala Soutra nous a quittés mais sa chandelle n’est pas morte. Elle vivra désormais multiplement transmigrée dans les personnes désignées par notre nouveau maître,  sa Sainteté Shri Shri Tsu.

Certifié exact

Nadine Bébek

Remerciements

Vous êtes toujours là ? Félicitations ! Vous méritez une récompense à la hauteur de votre persévérance ! Réjouissez-vous ! J’ai ce qu’il vous faut :

Un  Laissez passer devant tous

Grâce à ce précieux document, vous profiterez désormais d’avantages que les autres n’ont pas. Partout ! Par exemple, chez le boulanger.  Imaginez la scène. Vous arrivez sur place et zut, il y a déjà plusieurs personnes qui attendent leur tour d’être servies ! Avec votre laissez-passer devant tous, vous vous libérez des contraintes respectées par tout le monde ! Vous réalisez le rêve de tout bon Français : profiter d’un privilège exclusif ! Avec l’autorité du pouvoir spécial que vous donne votre sauf conduit, vous remontez la file d’attente. Arrivé au comptoir :

–          ” Une demi baguette, Madame, s’il vous plaît “…..

….complété accessoirement par les inévitables souhaits sur la cuisson et autres précisions qui vous donnent l’illusion de croire que puisque  que vous payez, vous avez le droit d’être exigeant, même au sujet de  broutilles auxquelles vous n’attachez aucune importance.

La personne dont vous avez pris la place vous reproche aussitôt votre culot. Elle vous insulte peut-être, même. Les ” patients ”  qui attendent leur tour la soutiennent avec des murmures réprobateurs. Et là, il se produit un événement considérable. Vous dites :

Permettez ! ”

Alors, solennellement, vous présentez votre laissez-passer devant tous ! L’effet est considérable. La foule s’agenouille. Elle vous demande pardon pendant que la boulangère vous sert, le visage tout miel. Manifestement, elle est fière d’être visitée par une personnalité, vous, qui avez droit à des égards dont le commun des mortels ne profite pas !

Maintenant, qui détient ce sésame ? Les réincarnés de Mala Soutra attestés comme tels par sa Sainteté Shri Shri Tsu.

Sur quels critères sont-ils considérés à ce titre ? Sur le fait d’avoir réalisé l’exploit de lire jusqu’à la fin. De ci, de là. Il est évident que seul l’état de grâce propre à un réincarné issu de la souche de Mala Soutra permet d’obtenir un tel résultat. Ce qui justifie conformément à ses souhaits l’attribution d’un  Laissez passer devant tous que je vous remets solennellement ici.

La procédure de validation est simple : Mentionnez votre nom dans les deux cases ad hoc. Si possible, apposez un tampon ( même falsifié, s’il est pris pour un vrai ),  de la Préfecture de police. Vous voilà en possession d’un document officiel. Ce passe-droit  vous libère, désormais, de l’obligation d’attendre chaque fois que d’autres, arrivés avant vous, y sont contraints !

En retour, puis-je vous demander un petit service ? Conseillez à votre entourage de lire

De ci, de là.

On dit que ses effets sur le moral sont meilleurs que ceux d’un euphorisant à la mode. Pour un coût moindre.

Quant à moi, grâce à vous, je ne subirai plus ces si désagréables diètes quand mes ” faims ” de mois sont difficiles. Alors ……..


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